Les chouettes d’Athéna sur les monnaies d’Athènes sont célèbres. La richesse presque infinie des types monétaires de la Grèce antique offre cependant, sur des objets à valeur officielle, des sujets aussi surprenants que des scènes érotiques. Ces scènes paraîtraient mieux adaptées à la consommation privée et elles foisonnent effectivement sur les vases antiques.
Comment ceux qui prenaient en main les statères de Thasos parvenaient-ils à ne pas rougir? Sans doute le philosophe d’Ephèse Héraclite, contemporain des émissions si osées, avait-il déjà répondu à cette question: il disait au sujet des processions et des chants phalliques que «s’ils n’étaient en l’honneur de Dionysos, il faudrait en rougir».
Il ne s’agit toutefois pas d’obscénité bon marché sur la monnaie de Thasos, mais d’une scène un peu mystérieuse, que le contexte monétaire dévoile, sans pour autant dissiper totalement le flou artistique qui l’entoure. S’agit-il d’un homme et d’une femme, consentante ou pas?

Sur les monnaies grecques d’époque archaïque et classique n’apparaissent que des divinités ou des animaux mythologiques ou totémiques. Nous n’avons donc pas affaire à des personnages quelconques. Le satyre, ou le silène, est l’hôte habituel des pièces de Thasos, avec Dionysos, le dieu du vin. Il paraît toujours quasi agenouillé. C’est la convention de l’art archaïque pour représenter la course.
Sur le statère, le personnage masculin, à défaut d’autres attributs bien marqués, présente le signe d’une excitation qui est coutumière aux satyres. Et la belle donzelle qui lève un bras suppliant? Le dénouement de cette scène d’intemporelle violence se lit sans doute dans un hymne homérique, qui dit qu’«au fond des grottes, les Silènes s’unissent aux nymphes dans des étreintes d’amour».
Ces deux personnages, d’une nature intermédiaire entre la divinité et l’humanité, comme le dit encore l’hymne d’Homère, représentent la vigueur de la terre qui s’unit au principe humide (l’eau), pour donner un vin célèbre, qui, sur les autres monnaies de Thasos, est symbolisé par Dionysos.
L’obscénité est donc rituelle ou symbolique. Cette image forte représente bien la Grèce antique, qui n’a que faire de distinguer entre deux concepts modernes, le (bon) érotisme et la (mauvaise) pornographie. La sexualité est exaltée lorsqu’elle manifeste la virilité exigée de l’homme et la fécondité de la nature.
Localisation–1 | 3, Grèce, vitrine Monde grec, Numismatique
560 av. J.-C.-138 ap. J.-C., objet n° 8
Inventaire CdN 2000-22
Drôle de monnaie, mais on peut dire que cela ce faisait à une époque ou tout avait un sens.