Les principes déontologiques au cœur des pratiques du Musée d’art et d’histoire
À l’heure où les conflits armés au Proche-Orient se succèdent, entraînant dans leur sillage la destruction de nombreux sites antiques et le pillage de pièces archéologiques ressurgissant sur le marché noir, il semble important de rappeler les principes déontologiques que s’est imposés depuis quelques années le Musée d’art et d’histoire de Genève. La cité de Calvin est en effet un cas unique: un comité déontologique de la ville de Genève a été mis en place et est actuellement présidé par Jean-Yves Marin, directeur du MAH et coauteur du code de déontologie de l’ICOM (Conseil International des Musées), une instance à laquelle siège Vincent Negri, expert en droit international du patrimoine (CNRS). Constitué de conservateurs et de directeurs de musées suisses, d’experts en droit suisse et international et des représentants de la branche suisse de l’ICOM, ce comité a pour mission d’étudier et d’évaluer les modes d’acquisition passés et présents des musées genevois et de proposer, si nécessaire, des restitutions ou des coopérations. Un programme de gestion éthique du patrimoine municipal conforme aux principes déontologiques internationaux adoptés par l’ICOM en 2004.
État des lieux
Le MAH a ainsi dressé un état des lieux de ses collections et dégagé les problèmes éventuels. «Nous sommes parvenus à résoudre la plupart des points noirs du MAH en cinq ans, en identifiant les objets problématiques, comme des pièces archéologiques d’origine illicite, et en les restituant à leurs donateurs en l’absence de demande de restitution des pays d’origine», explique Jean-Yves Marin. Le comité a plus d’un écueil à éviter pour clarifier la provenance et les droits de propriété, qu’il s’agisse de restes humains, d’antiquités déterrées illégalement, d’œuvres déposées sans garantie de provenance, de spoliations juives ou encore de pillages coloniaux. À ce jour, le taux d’objets au MAH dont l’origine et les conditions d’acquisition doivent encore être étudiées et analysées est «infinitésimal». «On assiste à un véritable élan à travers tout le pays. Les musées suisses se penchent sur la provenance des acquisitions passées. À l’exception de quelques petits musées de tradition coloniale qui taisent l’origine des pièces de leurs collections», remarque le directeur du MAH.

Forme: plaque rectangulaire, Haut. 47cm; larg. 40cm. Découverte à Palmyre vers 1900 par Jean Schneider.
©MAH, photo : B. Jacot-Descombes, inv. 008197
Acquisitions transparentes
Parallèlement au passage en revue des fonds des musées, «la Ville de Genève a mis sur pied une politique d’acquisition pour tous les musées relevant du Département de la culture et du sport, dans une logique de prévention et de transparence, en écho direct avec la charte sur l’acquisition des collections, dont le code de déontologie de l’ICOM recommande l’adoption et la publication», précise Vincent Negri. Le MAH étant riche en matière d’archéologie méditerranéenne, il est souvent sollicité pour des achats d’antiquités. Une extrême vigilance est alors de mise, étayée par la volonté de «créer un cercle vertueux, en lien étroit avec l’ICOM Suisse, l’Office fédéral de la culture, la police judiciaire, les douanes…». Si le musée ne peut se substituer aux autorités, son devoir est de signaler toute tentative de mettre un objet d’origine frauduleuse sur le marché. «Depuis l’entrée en vigueur, en 2005, de la loi sur le transfert des biens culturels adoptée en 2003 et de la réforme récente de la législation sur les ports francs, les contrôles de provenance des collections ont été renforcés et la situation s’est assainie», ajoute Vincent Negri. Celui-ci relève toutefois, le déplorant, qu’un trafic, toujours plus souterrain, subsistera.
Liste rouge de l’Unesco
En quelques années à peine, la Suisse a gagné ses galons d’élève appliquée en matière de transparence, et les musées de Genève ceux d’institutions «propres». L’ensemble exceptionnel que détient le MAH de pièces archéologiques de Palmyre, site antique classé au patrimoine mondial et dévasté par l’État islamique en 2015, ont ainsi pour la plupart été collectées au début du XXe siècle, bien avant la Convention de l’Unesco de 1970 interdisant l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels. À ce titre, le musée est sur les rangs pour travailler sur une nouvelle liste rouge des biens culturels exposés à un risque identifié de trafic illicite, notamment pour les biens d’origine syrienne, afin d’empêcher leur acquisition frauduleuse ou leur exportation illégale.
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