Dans ses collections, le MAH conserve une chemise d’homme, d’origine italienne et datée de la fin du XVIe ou du début du XVIIe siècle. Il s’agit d’une chemise en toile de lin comportant une encolure richement travaillée. Entrée en 1902 dans les collections du Musée d’art et d’histoire, cette pièce est issue de l’importante donation textile faite par Amélie Piot avant l’inauguration du «Grand Musée» en 1910. Elle est actuellement préservée des attaques de la lumière notamment, dans les importants dépôts du musée.
Élément lavable constituant la base du costume, la chemise ne connaît, dans sa coupe, qu’une évolution relative à travers les âges. Cet exemple italien présente ainsi des formes géométriques simples, proches des spécimens fragmentaires sassanides en lin brodé, trouvés en Égypte au début du XXe siècle. Seul le décor de l’encolure et des manches témoigne de transformations significatives dans ce vêtement, essentiellement influencées par la mode, la classe et le goût personnel de celui qui le porte; elles traduisent également parfois des caractéristiques typiquement régionales.

Chemise d’homme, , fin du XVIe-début du XVIIe s., Italie, en lin, toile, fils tirés, point coupé, dentelle à l’aiguille, puncetto, broderie blanche, broderie brune, © MAH, Inv. A 96
Coupée dans un lé de lin replié en deux, cette chemise comporte en son centre une ouverture, taillée pour laisser le passage de la tête, ainsi qu’une large fente sur la poitrine. Deux bandes, assemblées latéralement de part et d’autre, achèvent le montage du buste. La façon impose alors, par souci d’économie, ce type de construction. Les deux faces de chemise taillées d’un seul tenant évitent ainsi les coutures d’épaules – parfois même des manches lorsque ces dernières sont coupées d’une pièce avec le tronc – et les chutes de tissu sont le plus souvent récupérées aux fins d’être assemblées sur les côtés, de réaliser des poignets ou encore de rallonger les manches. Dans cet exemple, ces dernières, taillées droites et cousues à part, sont rehaussées d’un mouchet à la hauteur du coude; elles sont également soulignées d’un entre-deux en puncetto* le long de l’arrête latérale externe. Afin d’offrir une plus grande aisance et de ne pas gêner le mouvement des bras, une pièce losangée est cousue sous chaque aisselle et fait office de soufflet.
Le plastron représente la partie la plus intéressante et précieuse de ce vêtement. Il est constitué de deux bandes assemblées entourant la nuque et descendant bas sur la poitrine. L’une d’elle est brodée au point de croix de motifs zoomorphes et géométriques, tandis que l’autre est constituée de rectangles de tissu évidé, au centre desquels s’inscrivent des motifs géométriques et d’autres représentant un oiseau, réalisés en dentelle à l’aiguille. Ce type de petits ornements, soutenus par des fils prenant leur appui sur le bord des vides, est alors largement répandu grâce aux livres de modèles. Publiés pour la plupart à Venise dès le premier quart du XVIe siècle, ces recueils constituent des répertoires de formes décoratives le plus souvent dédicacés aux dames de la haute société, mais destinés également aux femmes de toutes conditions dont l’éducation inclut l’apprentissage des ouvrages de main.
Cet article est paru dans La Tribune des arts en 2007.
* Développé en Italie, le puncetto signifie point. Cette dentelle est formée de minuscules nœuds rapprochés, réalisés à l’aiguille en faisant plusieurs allers et retours, toujours sur l’endroit. Elle s’exécute en bordure d’un tissu ou sur un fil de support tendu.