La collection du musée d’art et d’histoire
Les collections d’émaillerie et de peinture en miniature (définie par la technique et non par sa taille) du musée d’art et d’histoire sont riches de plusieurs ensembles exceptionnels, parmi lesquels se distinguent les chefs-d’œuvre limousins du XVIe siècle, ainsi que les productions du tournant du XXe siècle (émaux dits de forme) influencées par les styles Art déco et Art nouveau, ainsi qu’un important corpus d’œuvres de l’école genevoise des peintres sur émail, fondée au XVIIe siècle. Liée à celle des portraitistes en miniature qui utilisent l’ivoire et le vélin comme supports de leurs œuvres, cette dernière a survécu aux changements de mode et suscite aujourd’hui un regain d’intérêt grâce aux efforts de certaines manufactures d’horlogerie notamment.
Les chefs-d’oeuvre limousins du XVIe siècle
À la fin du XVe siècle, Limoges voit l’essor d’une technique nouvelle qui fera sa réputation : la peinture sur émail avec des fonds sombres, des traits aux reliefs vitrifiés, et de la peinture en grisaille. Cette dernière, appliquée à ce plat de Pierre Reymond (actif dès 1537), s’élabore en couches successives : émail noir déposé à la spatule puis recouvert d’émail blanc ; émail blanc partiellement gratté à l’aide d’une aiguille pour dessiner le sujet, mêlé au noir pour obtenir les nuances de gris. Le jeu minutieux de traits parallèles ou croisés évoque le travail au burin des graveurs. Le sujet choisi ici par l’émailleur symbolise l’homme entre le péché (Adam et Ève) et la grâce (le Christ en croix), riche thème iconographique traité par de nombreux artistes.

L’école genevoise
Le Genevois Jean I Petitot (1607-1691) offre ses lettres de noblesse à l’art du portrait peint sur émail en voyageant à travers les cours européennes au XVIIe siècle, dont celles de Charles Ier d’Angleterre et de Versailles où il portraiture Louis XIV, la reine Marie-Thérèse d’Autriche, le cardinal Mazarin ou encore Madame de Montespan. Il incarne l’âge d’or de l’émail dont il est un maître fameux : cent ans après sa mort, les peintres de petits portraits qualifient leur discipline d’«art de Petitot ». Ses peintures observées à la loupe révèlent l’excellence de sa touche et la juxtaposition minutieuse de centaines de points de couleur. Le musée conserve un bel ensemble d’œuvres qui permet d’apprécier le raffinement des visages ainsi immortalisés.

© MAH photo: M.Aeschimann, Inv. AD2261
Après Petitot au XVIIe siècle, Genève abrite un autre grand nom du petit portrait : Jean-Étienne Liotard (1702–1789). Mais, à la différence de son prédécesseur, Liotard maîtrise tous les supports, comme ici l’aquarelle et la gouache sur vélin ; une large palette qui lui assure un débouché lucratif. Son art l’amène à voyager à travers l’Europe et à s’arrêter, pour un temps, au service de Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780). L’impératrice lui commande de nombreuses œuvres destinées à ses proches. Elle conserve auprès d’elle, lors de ses déplacements, les portraits miniatures de ses seize enfants. Loin des traditionnels portraits royaux, Marie-Thérèse figure ici en costume turc ; une fantaisie de Liotard, qui portait fréquemment un ensemble ottoman rapporté de son long séjour à Constantinople.

©MAH photo: M. Aeschimann, Inv. AD40