Les coulisses du chantier des collections (2/2)

Entretien avec David Bourceraud, régisseur chantier des collections

Depuis 2015, les équipes du Musée d’art et d’histoire se sont lancées dans leur premier chantier des collections. Début 2018, les objets traités en priorité (env. 410’000 sur les 650’000 que compte la collection) rejoindront les réserves patrimoniales sises dans un nouveau bâtiment de l’Écoquartier Jonction. Régisseur impliqué dans ce projet titanesque, David Bourceraud dévoile les coulisses de cette opération.

Entretien avec David Bourceraud, régisseur chantier des collections

Depuis 2015, les équipes du Musée d’art et d’histoire se sont lancées dans leur premier chantier des collections. Début 2018, les objets traités en priorité (env. 410’000 sur les 650’000 que compte la collection) rejoindront les réserves patrimoniales sises dans un nouveau bâtiment de l’Écoquartier Jonction. Régisseur impliqué dans ce projet titanesque, David Bourceraud dévoile les coulisses de cette opération.

Un chantier des collections est l’occasion de découvertes. Quelles sont les plus marquantes?

Oui, en théorie, comme le prouvent celles faites par d’autres institutions comme le Musée d’art et d’histoire de Fribourg, où l’on a notamment trouvé un cercueil égyptien au milieu de coffres anciens… Or, jusqu’ici dans les réserves des MAH, les découvertes sont très rares. En effet, les premières phases du chantier ont concerné les réserves extérieures au musée où les collections ont été déménagées relativement récemment (8 ans pour la grande majorité) et sont donc connues. En revanche, dans le domaine de l’archéologie, dont les collections sont conservées au même endroit depuis 30 ans, les surprises seront sans aucun doute au rendez-vous. Ouvrir un tiroir et tomber sur un trésor est le rêve de tout conservateur et de tout collaborateur scientifique chargé d’inventaire!

Un éventail d’éventails…
©MAH, photo : B. Jacot-Descombes

Quels sont les domaines abordés jusqu’ici?

Les beaux-arts (peintures et installations contemporaines; les arts appliqués (mobilier, drapeaux, textiles, papiers peints, tapisseries); l’horlogerie, bijouterie, émaillerie et les arts graphiques. Le travail est considérable…

Quels types d’objets ont-ils posé le plus de difficulté en matière de manipulation?

La collection d’horlogerie, bijouterie et émaillerie offre la plus grande complexité. Les pendules, avec leurs éléments et mécanismes horlogers ultra fins et précis, en particulier les pièces anciennes, sont celles qui nous ont donné le plus de fil à retordre. Les précautions à prendre sont multiples, si bien qu’un conservateur-restaurateur spécialisé est présent en permanence. Les connaissances à avoir sur les mécanismes de ces objets sont telles qu’une mauvaise manipulation a le plus souvent des conséquences irréversibles. Toutes les pendules ont été traitées (env. 1’200), avec immobilisation des parties mobiles et fragiles, car elles ne pouvaient pas être déménagées telles quelles. À titre de comparaison, sur 350 pièces de mobilier, seules 12 ont dû prendre le chemin de l’atelier de restauration pour ensuite être déménagées sans heurts.

Une série de pendules dûment étiquetées
©MAH, photo : B. Jacot-Descombes

Donnez-nous des exemples d’objets qui vous ont posé des difficultés en matière de catalogage…

Tout est question de détails. Dans les collections horlogères, on s’est retrouvé face à ce que l’on pensait être un mécanisme indépendant de pendule et qui s’est révélé n’être qu’un fragment d’un autre mécanisme. Côté mobilier, ce qui nous paraissait être une encoignure classique était un meuble fabriqué à partir d’une ancienne porte fixée sur un caisson oblique. Et puis il y a les fameux bicycles, présents dans les réserves depuis des décennies mais n’apparaissant pas dans les inventaires. Dans les collections textiles, certains vêtements peuvent aussi bien être des costumes de théâtre que des tenues civiles on ne peut plus communes… Il n’est pas toujours évident de statuer sur des pièces susceptibles d’avoir plusieurs usages, comme des fragments de dentelle par exemple.

Voiture berline ayant servie à Louis-Philippe enfant
©MAH, photo : B. Jacot-Descombes

Quel est le rôle des conservateurs dans ce cadre?

Si le cœur du travail demeure la prérogative des chargés d’inventaire et des conservateurs-restaurateurs, les équipes de la conservation agissent en amont et en aval de manière fondamentale. Les conservateurs opèrent un pré-récolement, un balisage des collections: ils décident si un objet non-inventorié doit obtenir un numéro d’inventaire, si une œuvre doit être réattribuée, si elle est classée sous la bonne typologie («pendule de parquet» au lieu d’un vague «horloge» par exemple), si sa datation doit être modifiée, etc. Leur revient également la validation de la fiche d’inventaire avant sa mise en ligne pour le public. Des lots entiers de pièces, disséminées pour des raisons pratiques de taille, de matière, de transport ou d’exposition, ont ainsi pu être reconstitués: des balanciers ont retrouvé leurs pendules de référence; les parties inférieure et supérieure d’une commode ont pu être réunies; le plateau d’une table ancienne a retrouvé ses pieds sculptés en forme de lion. Notre mission collective est de résoudre ce puzzle au mieux, afin que dans la base de données ne se trouve qu’un seul et même objet.

Une pile de cartons de ph neutre pour des conditions de conservation optimales
©MAH, photo : B. Jacot-Descombes

Quelles innovations avez-vous pu apporter?

Autrefois, le concept de conservation n’existait pas à proprement parler. Il y a quelques décennies, les consciences se sont éveillées au fait que la poussière, l’humidité, la lumière ou la faune environnante pouvaient représenter des menaces. Pour les collections textiles des arts appliqués, par exemple, notre travail a consisté à tout reconditionner dans du papier de soie neutre et des boîtes de conservation non-acides. Dans ces conditions optimales, l’objet peut être conservé intact pendant de très longues années! Pour ce qui est de l’inventaire, en complément des étiquettes volantes contenant un grand nombre d’informations et susceptibles d’être arrachées à tout instant, nous ajoutons systématiquement un code-barres pour la traçabilité. Puis, nous marquons physiquement chaque pièce, de manière réversible bien entendu, selon des méthodes utilisées dans tous les musées du monde. Sur les textiles, il suffit de coudre d’un simple point un fragment de tissu portant le numéro d’inventaire dans un recoin de la pièce. L’important est de pouvoir identifier les objets le plus efficacement possible.

Evénement:

Le 21 septembre, la soirée Afterwork intitulée Derrière le code-barres sera consacrée au Chantier des collections. Venez nombreux!

 

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