Le Cycle de Constantin par Lanceloot Lefebure, trésor de la tapisserie au MAH (I)

Première partie: Le Couronnement de Constantin

Dans sa Poétique, Aristote distingue deux moments essentiels de toute tragédie: le «nœud» (désis), qui renvoie à «ce qui va du début jusqu’à la partie – la dernière – à partir de laquelle survient le retournement qui conduit au bonheur ou au malheur» et la «résolution» ou «dénouement» (lysis), qui se réfère à «ce qui va du début de ce retournement jusqu’à la fin» (XVIII, 1455b24-29). Dans la structure tragique constituée par son Cycle de Constantin, Lanceloot Lefebure fait du Couronnement de Constantin le nœud de son intrigue. Cet événement marque le début du récit tout en rassemblant, en une composition, les germes de la discorde qui conduiront à la guerre opposant les troupes de Maxence et de Constantin et à l’avènement du premier empereur chrétien de l’histoire.

Première partie: Le Couronnement de Constantin

Dans sa Poétique, Aristote distingue deux moments essentiels de toute tragédie: le «nœud» (désis), qui renvoie à «ce qui va du début jusqu’à la partie – la dernière – à partir de laquelle survient le retournement qui conduit au bonheur ou au malheur» et la «résolution» ou «dénouement» (lysis), qui se réfère à «ce qui va du début de ce retournement jusqu’à la fin» (XVIII, 1455b24-29). Dans la structure tragique constituée par son Cycle de Constantin, Lanceloot Lefebure fait du Couronnement de Constantin le nœud de son intrigue. Cet événement marque le début du récit tout en rassemblant, en une composition, les germes de la discorde qui conduiront à la guerre opposant les troupes de Maxence et de Constantin et à l’avènement du premier empereur chrétien de l’histoire.

Après la mort de son père, l’empereur Constance Chlore, le 25 juillet 306, Constantin règne en tant que césar sur les provinces occidentales de la Gaule et de la Bretagne. Fils du tétrarque Maximien Hercule, Maxence se fait proclamer auguste à Rome, où il réside, avant d’accuser Constantin de rébellion. C’est un conflit politique, mais aussi familial qui s’annonce: proche de Maximien Hercule, Constantin était devenu le beau-frère de Maxence, depuis son mariage avec sa sœur Fausta, en 307. À l’est de l’Empire, un autre conflit se profile entre deux autres tétrarques, Licinius et Maximin Daïa.

Couronnement de Constantin (tapisserie incomplète) Marques de la ville de Bruxelles, signature : MATTHYS ROELANTS Chaîne : laine retors S 2 Z, 10/11 fi ls de chaîne au cm Trame : laines et soies, H. 356 cm ; L. 165 cm ©MAH, inv. 18680 Datation et localisation de la scène représentées 25 décembre (?) 307, Trèves ou (plus vraisemblablement) Arles
Couronnement de Constantin (tapisserie incomplète)
Marques de la ville de Bruxelles, signature : MATTHYS ROELANTS
Trame : laines et soies, H. 356 cm ; L. 165 cm ©MAH, photo: Manufacture Royale De Wit, Belgique, inv. 18680 

Le Couronnement de Constantin par Maximien est l’image de ce conflit politique et familial. La présence de Maximien, qui prend en charge le couronnement de Constantin, rappelle qu’il avait été l’un des premiers soutiens de Constance Chlore. En 288, alors qu’il avait été chargé de gouverner les régions occidentales de l’Empire, c’est Maximien Hercule qui nomme le père de Constantin préfet du prétoire en Gaule. En avril 307, il tente de déposer son fils Maxence. N’y parvenant pas, il trouve refuge à la cour de Constantin, à Trèves. C’est dans ce contexte que la scène conçue par Lefebure trouve sa place: Maximien élève Constantin au rang d’auguste, à la fin de l’année 307. Au même moment, il lui offre la main de sa fille, Fausta, ajoutant à l’investiture politique une alliance familiale déjà préparée par des liens d’amitié étroits et anciens. En échange, Constantin accepte de soutenir les efforts de Maximien pour recouvrer son pouvoir. Les relations amicales de Constantin et de Maximien ne durent pourtant qu’un temps. Au début de l’année 310, Maximien cherche à s’emparer du titre de Constantin; sans succès: il est capturé par Constantin à Marseille avant d’être contraint au suicide.

Colportant les rumeurs selon lesquelles il aurait offert à Maximien le droit de se suicider après que ce dernier eut tenté de le faire assassiner, Constantin cherche alors à discréditer la mémoire de celui qui avait été l’un de ses premiers soutiens. Il fait détruire toutes les inscriptions se référant directement à Maximien, ainsi que tous ses portraits publics.
La composition de Lefebure, pour ce centre d’une tapisserie visiblement tronquée, est parfaitement pensée. Portant sa main gauche à son cœur, Constantin détourne son regard de celui dont il reçoit pourtant le sceptre. Inscrit dans une composition resserrée sur les trois figures entourant le souverain, ce geste permet de traduire la dimension intimiste d’une scène qui marque les débuts d’un règne, mais aussi d’enregistrer les événements qui ont eu lieu avant, pendant et après le couronnement de Constantin, qui reçoit son pouvoir des mains de Maximien tout en tournant déjà son regard vers sa mère et son épouse, qui demeureront ses principales alliées. Après la mort de Maximien (310), puis celle de Galère (311), le conflit devient en effet inévitable entre Maxence et Constantin, qui part à la conquête de l’Italie et de Rome en 312.

Jan Blanc, professeur d’histoire de l’art à l’Université de Genève

 

Constantin, assis sur un trône à pattes de lion et tenant le sceptre dans la main droite, est couronné de lauriers par Maximien Hercule, qui porte un diadème de pierreries. Derrière le trône se tiennent, à droite, l’épouse de Constantin et fille de Maximien, Fausta, qui porte un diadème et le manteau d’hermine, et à gauche, la mère de Constantin, Hélène, voilée. [Matteo Campagnolo]

 

Ces textes sont tirés du catalogue (Cinq Continents) accompagnant l’exposition Héros antiques. La tapisserie flamande face à l’archéologie, qui s’est tenue au Musée Rath, à Genève, du 29 novembre 2013 au 2 mars 2014.

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