Focus sur quatre œuvres
La Fabrique de l’argent retrace l’origine du billet de banque à Genève, rappelant l’extrême vitalité de la place financière. Elle souligne également les liens étroits entre différents métiers et expertises pour empêcher la contrefaçon. Gros plan sur quatre œuvres de cette exposition, à voir au MAH jusqu’au 19 février 2023.
Plaque typographique
Œuvre du graveur Auguste André Bovet (1799-1864), cette plaque permet d’imprimer les coupures de cent, cinq cents et mille francs en changeant certains éléments. Les deux éléments cylindriques qui impriment le cachet de la banque et le rappel de la loi offrent le texte tantôt en impression standard, tantôt en réserve. La combinaison utilisée diffère pour chaque coupure et sert d’élément de sécurité. Un autre contrôle était encore utilisé au XIXe siècle : les billets étaient découpés aléatoirement de leur talon, le long du texte en lettres anglaises (à droite sur la plaque). Au moment du paiement des billets au siège de la banque, cela permettait de rapprocher le billet de son talon pour être certain qu’il s’agissait d’un original.

Essai pour un billet de 1000 francs
La combinaison de deux dénominations différentes (100 et 1000 francs) montre clairement qu’il s’agit d’un essai. Pour voir ce qu’allait donner l’impression lithographique pour l’émission de 1867, on a en effet simplement surimprimé un premier billet. Celui-ci avait été annulé à la fin de l’émission (1846), sans même avoir été mis en circulation puisqu’il y manque les signatures ; il devait donc être en parfait état. Sur cet exemplaire, on distingue que l’impression carmin vient par-dessus l’impression noire et les timbres humides alors que, pour la version finale, elle sera effectuée en premier. Le filigrane du papier, probablement jugé trop simple lors de la première émission, a également été modifié et enrichie de cadres.

L’œuf, vers 1875
Paul Huguenin, dans «Les médailleurs et graveurs loclois» publié dans la Gazette numismatique suisse (33-37, 1983-1987) présente «le célèbre œuf de Piaget» comme un «exemple classique des différentes tailles utilisées». Conservée au MAH, avec dix autres travaux du même graveur, la pièce ainsi décrite est une plaque de cuivre gravée d’une finesse et d’une précision supérieure. Charles Piaget, professeur de gravure à l’École d’art de La Chaux-de-Fonds, est connu comme éditeur de plusieurs albums de «traits de graveurs» diffusés pour servir de modèles dans les ateliers de l’arc jurassien, dès 1875. Souvent copies de tableaux de maîtres, les motifs sont adaptés aux formats des fonds et des cuvettes de montres. La plaque gravée du Musée de Genève est un modèle de didactique.

Feuille de papier
Le papetier genevois Charles-Moïse Briquet (1839-1918) publie en 1907 Les filigranes : dictionnaire historique des marques du papier dès leur apparition vers 1282 jusqu’en 1600, une somme sur la connaissance des papiers anciens qui sert aujourd’hui encore de référence. Au cours de ses recherches sur la provenance des papiers, il relève plus de 40’000 filigranes dont 16’112 sont reproduits dans son livre. Ces relevés, faits sur du papier calque sont conservés à la Bibliothèque de Genève tandis qu’environ 1000 feuilles de papier originales, provenant de toute l’Europe du XIIIe au XIXe siècle, avec les filigranes relevés, se trouvent au MAH. Le papier au double filigrane du portrait de Louis XVIII et des armes de France sort de la papeterie de François Johannot (1745-1830) en 1814. Celui-ci appartient à une importante dynastie de papetiers ardéchois basée à Annonay, réputée pour la qualité de ses papiers, et que Louis XVI récompensa pour les progrès qu’elle fit faire à cette industrie. D’où sans doute ce filigrane en l’honneur de son successeur lors de la Première Restauration en 1814. Quelques-unes sont montrées dans l’exposition afin de mieux saisir le rôle des filigranes dans la réalisation des billets de banque.
