Témoins précieux de la piété populaire dans le monde grec, des centaines de figurines ont été offertes au Musée d’art et d’histoire par Beatrix Chapman de Candolle. D’origine américaine, née Chapman, Beatrix de Candolle épouse en secondes noces le général Raymond Charles Pyramus de Candolle, natif de Londres mais issu d’une vieille famille genevoise. Ingénieur spécialisé dans la construction ferroviaire, il travaille notamment en Turquie, à Smyrne, où le couple s’installe après la Première Guerre mondiale. C’est là que Beatrix de Candolle constitue sa collection d’objets antiques, acquis sur le marché antiquaire de Smyrne.
L’état fragmentaire des figurines s’explique par le fait qu’elles sont, pour beaucoup, issues du pillage de sites archéologiques alors en cours de fouilles, comme à Myrina et ses nombreuses nécropoles au début du XXe siècle. Cette collection a été réunie à une époque où des collections similaires – aujourd’hui en possession des musées du Louvre, de Madrid, de Leiden ou du British – étaient déjà constituées. Les sources du marché de ce type d’antiquités se tarissant, beaucoup d’objets à vendre étaient des laissés-pour-compte.
L’Artémis d’Ephèse à l’honneur
Après que Beatrix de Candolle a donné sa collection au Musée d’art et d’histoire en 1923, son directeur et archéologue de renom Waldemar Deonna choisit de n’exposer que deux figurines représentant Artémis d’Ephèse. Se détachant visiblement de l’amoncellement de quelque sept cents fragments, on peut comprendre que ces deux moulages aient retenu l’attention de l’archéologue, tant en raison de leur intérêt iconographique que de leur état de conservation exceptionnel. Par là, cependant, il ne satisfait pas à la condition posée par sa donatrice qui voulait que sa collection soit montrée intégralement. C’est ainsi que tout ce petit peuple de terre cuite, entreposé dans les réserves du musée, tombe dans l’oubli jusqu’en 1995, date à laquelle débute son étude systématique.

Aujourd’hui, près de nonante ans après la donation, le souhait de Beatrix Chapman de Candolle est enfin exaucé: ce matériel est présenté dans les salles d’archéologie jusqu’à fin février 2013. Le vrac dans lequel semble être exposées ces figurines n’est qu’apparent, prétexte surtout à soulever des questions sur l’aspect initial des statuettes, leur représentation ou leur fonction. L’étude du matériel ayant permis d’identifier des productions de divers sites d’Asie mineure et de la Côte Ionienne, le regroupement par ateliers s’est imposé, en particulier ceux de Smyrne et de Myrina. Bien distincts sur le plan iconographique et technique, ils occupent chacun l’une des faces de la pyramide.
La publication qui est consacrée à ces objets, dont le contexte d’origine est à jamais perdu, suivra dans le courant de 2013. Les critères d’études sont fournis par les figurines elles-mêmes dans ce qu’elles révèlent de leur iconographie, de leur signification et de leur fabrication, dans une mise en parallèle systématique avec du matériel comparable conservé dans d’autres musées.