Dessins italiens de la Renaissance

Trois œuvres emblématiques

Le Cabinet d’arts graphiques du Musée d’art et d’histoire présente jusqu’au 7 janvier 2018 une importante sélection de dessins italiens des XVe et XVIe siècles de l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf. Réunie par le peintre Lambert Krahe (1712-1790) et unique en son genre, la collection de cette institution compte plus de 14’000 dessins et 25’000 estampes principalement des XVIIe et XVIIIe siècles, ainsi que quelque 500 feuilles datant de la Renaissance. Grâce à ce prêt exceptionnel, l’exposition de Genève présente des pièces rares et admirables dont voici trois exemples.

Trois œuvres emblématiques

Le Cabinet d’arts graphiques du Musée d’art et d’histoire présente jusqu’au 7 janvier 2018 une importante sélection de dessins italiens des XVe et XVIe siècles de l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf. Réunie par le peintre Lambert Krahe (1712-1790) et unique en son genre, la collection de cette institution compte plus de 14’000 dessins et 25’000 estampes principalement des XVIIe et XVIIIe siècles, ainsi que quelque 500 feuilles datant de la Renaissance. Grâce à ce prêt exceptionnel, l’exposition de Genève présente des pièces rares et admirables dont voici trois exemples.

Pietro Perugino

Pietro Perugino (Città della Pieve vers 1450- Fontignano 1523) Étude de figures (recto et verso), vers 1486 Pointe de métal, rehauts de gouache blanche sur papier coloré et préparé en brun (recto) ; fusain et rehauts en craie blanche (verso) Feuille : 198 x 280 mm

Cette feuille est particulièrement intéressante, d’une part pour son contenu et ses liens avec plusieurs fresques du Pérugin, et d’autre part pour sa technique.

Le recto comporte des études de différentes figures et têtes à la pointe de métal, partiellement rehaussées et exécutées sur un papier préparé en brun clair. C’est une technique bien connue, qui inscrit ces dessins dans une tradition médiévale. La pointe de métal donne un trait léger et subtil, souvent utilisée pour produire des effets poétiques ou sensibles – c’est précisément le cas ici. Seule la figure du jeune homme, probablement un page ou un jeune soldat, est représentée entièrement, en contrapposto sur son bouclier, la main droite sur la ceinture. Il fixe le spectateur tandis que les autres têtes ont le regard tourné ou baissé. Ces figures, notamment le jeune homme, sont des études pour différentes fresques, dont une Adoration des Mages, détruite vers 1529/1530, à l’origine dans le cloître de San Giusto alle mura à Florence. Le profil de la jeune femme apparaît quant à lui dans une fresque de Santa Maria degli Angeli exécutée vers 1486, également à Florence. Le Pérugin utilise donc cette feuille pour préparer deux fresques simultanément.

Au verso se trouve un dessin au fusain avec des traits épais et beaucoup plus spontanés que ceux à
la pointe en métal. Cette technique est relativement nouvelle et sera adoptée, notamment par Michel-Ange et Raphaël, élève du Pérugin, pour rendre les figures plus vivantes et s’émanciper des traditions et des contraintes médiévales. Au XVIIIe siècle, ce dessin était attribué à Raphaël. En 1917, des recherches approfondies menées par Oskar Fischel ont permis d’en modifier l’attribution, aujourd’hui confirmée, grâce aux liens découverts avec d’autres oeuvres.

Bartolomeo Passarotti

Bartolomeo Passarotti (Bologne 1529-Bologne 1592) Tête d’homme, entre 1550 et 1560 Plume et encre noire Feuille : 281 x 222 mm

Cette feuille est restée inédite jusqu’à la publication du catalogue de Sonja Brink. Grâce à la marque de collection visible en bas, l’œuvre a pu être identifiée comme provenant de la collection de Lambert Krahe. Il s’agit très probablement d’un dessin d’après une sculpture antique qui représente la tête d’Hercule, de Jupiter ou d’Esculape – le modèle reste à identifier. Les yeux sont caractéristiques de la sculpture, car un trou figure la pupille de l’oeil. La stylisation de la barbe et des cheveux renvoie également à un dessin d’après une statue, avec toutefois une volonté de dynamisme et de vitalité dans la figure. Le plus surprenant est la manière d’utiliser la plume, entièrement linéaire, sans lavis ni trace de pinceau. Les ombres sont obtenues au moyen de hachures parallèles ou croisées, ce qui demande un haut degré d’abstraction. La pression de la plume, la densité des hachures et la direction des lignes décrivent non seulement les volumes mais expriment aussi les valeurs de lumière et d’ombre, chose encore très rare à la Renaissance. Michel-Ange avait utilisé cette manière au début de sa carrière, suivi plus tard par Baccio Bandinelli – ce dernier étant également graveur, il était habitué à une telle approche. Bartolomeo Passarotti transmettra cette technique à ses élèves, parmi lesquels Agostino Carracci, qui se consacrera plus tard à la gravure au burin parallèlement à son travail de peintre et dessinateur.

Federico Zuccaro

Federico Zuccaro (Sant’Angelo in Vado 1541-Ancona 1609) Portrait du prédicateur Padre Lorino, vers 1576-1577 Pierre noire et sanguine Feuille : 274 x 192 mm

Ce dessin n’a été publié que dans le contexte de la présente exposition. Il a donc échappé jusqu’à présent aux débats autour de l’œuvre de cet artiste. La personne représentée, identifiée grâce à l’inscription, est Padre Lorino, qui faisait partie de la congrégation de Vallombrosa. Lors des mois d’août particulièrement chauds de 1576 et 1577, Zuccaro s’y réfugie avant de continuer son travail sur les fresques de la coupole du dôme de Florence. Il y réalise un groupe de portraits, certains identifiables comme celui-ci, d’autres restant anonymes, mais tous exécutés en deux crayons, noir et sanguine, ce qui les rend particulièrement vivants et directs. Il s’agit d’un dessin exécuté d’après nature, indépendant, qui ne s’insère donc pas dans un corpus préparatoire à une autre oeuvre. Si le portrait est un genre connu depuis le Moyen Âge, il gagne en importance et acquiert un statut à part entière à la Renaissance. L’objectif n’est plus de transmettre un modèle, d’étudier ou de préparer un tableau, mais d’observer au plus près le sujet et de donner une impression de vie. Zuccaro y parvient non seulement dans ce dessin, mais aussi dans nombre d’autres feuilles, dispersées dans une multitude de collections. Dans tous ces dessins, l’attention est focalisée sur le visage et la tête, l’habit reste très sommaire et aucune indication spatiale n’est donnée, isolant le modèle de tout contexte.

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